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Les ruines normandes

Dernière mise à jour : 24 août 2022

Après avoir sillonné les sentiers nous menant à deux châteaux forts de la région dieppoise et admiré la fierté de Domfront nous voici de nouveau en route à la chasse aux souvenirs pour retracer le passé historique d'édifices castraux: il est question aujourd'hui des alentours de Rouen avec le Château-Gaillard et le Château de Robert le Diable.


Le Château-Gaillard


Il se situe aux Andelys -dont le nom tiendrait une origine occitane et bretonne signifiant eaux agitées- un regroupement de hameaux qui fut autrefois le lieu de résidence d'une petite colonie scandinave au Moyen-Âge avant d'appartenir au duc de Normandie Richard Cœur de Lion -le fondateur du château- puis à son frère Jean Sans Terre à la fin du XIIe siècle. Ses ruines majestueuses surplombent la vallée de la Seine, ce qui en faisait un point stratégique des plus importants pour le contrôle de l'accès à la mer qui attisa bien des convoitises mais également à l'origine de quelques dissensions. Effectivement, lors de son édification, Richard Cœur de Lion n'avait pas le droit de construction que ce soit car, à ce moment précis, le lieu appartenait encore à l'archevêque de Rouen ou bien à cause du traité de 1196 interdisant la fortification de l'endroit. Il fallut attendre une année avant de trouver un compromis et une année de plus pour que sa construction soit terminée.



Comme dit précédemment, Jean Sans Terre fut le nouveau propriétaire du château suite à la mort de son frère. Une succession qui ne passa pas inaperçue aux yeux du roi de France Philippe Auguste qui souhaitait relancer la conquête du duché de Normandie et tenta à plusieurs reprises d'assiéger le Château-Gaillard. Une bataille qui dura presque une année et coûta de nombreuses vies -une représentation de la famine du siège fut peinte en 1894 par Francis Tattegrain dans son tableau Les Bouches Inutiles- ainsi que des destructions à l'édifice car c'est justement grâce à certaines faiblesses structurelles que les troupes de Philippe Auguste parvinrent à dominer celles de Jean Sans Terre; une légende raconte que les français durent passer par les latrines pour pénétrer la basse-cour mais la réalité encore plus prosaïque parle d'une infiltration par les fenêtres basses de la chapelle, lieu censé être inviolable. Des sièges, le Château-Gaillard en connaitra quelques uns encore lors de la Guerre de Cent Ans.



Le château est facilement accessible (un parking se situe à quelques pas) et presque tout est ouvert aux promeneurs et chiens attachés, hormis le donjon qui est soumis aux heures de visite et prix d'entrée.


Le Château de Robert le Diable


Quittons le département de l'Eure, pour revenir en Seine-Maritime dans la commune de Moulineaux. Tout en haut d'une colline qui domine la région rouennaise se trouve ce château maudit; maudit à cause de son propriétaire légendaire, Robert le Diable. Ce dernier serait inspiré de Robert II de Bellême ou bien de Robert le Magnifique -père de Guillaume le Conquérant- tout deux figures du duché de Normandie et trainant avec eux une réputation d'hommes cruels et violents.



Inde, la femme du duc de Normandie Aubert, désespérait d'avoir un enfant et invoqua un démon pour lui venir en aide - une autre version dépeint un rapport forcé dans la Forêt de Rouvray que la duchesse Inde aurait maudit en prophétisant que l'enfant sera l'humain le plus mauvais qu'on n'eut jamais connu. Ainsi, le fruit issu de ce vœu devint rapidement la terreur du domaine; c'est à l'âge de sept ans que le garçon poignarda son maitre d'école pour se venger d'une réprimande. Durant son adolescence, il pilla les sanctuaires et effraya toute personne croisant son chemin. Sa mère, Inde, conseilla alors au duc de le faire chevalier, espérant ainsi l'assagir. Hélas, cela ne fit qu'aggraver la sournoiserie de Robert qui, maintenant capable de porter une épée, trancha des têtes et batailla sans arrêt - il s'attaqua même à son propre père.



Lassé de sa solitude, Robert le Diable s'entoura rapidement de compagnons d'armes et ils s'établirent au château de Thuringe, près de Rouen. Leurs méfaits ne passèrent pas inaperçus aux yeux du duc qui ordonna alors que quiconque exécuterait son fils recevrait une récompense. La vengeance du cruel Robert ne se fit pas attendre et il décida de crever les yeux de tous les messagers portant l'annonce et de les renvoyer à son père en l'état. Sa férocité semblait sans limite.



C'est donc avec une grande surprise que la duchesse Inde accueillit un beau jour son fils dans son château d'Arques-la-Bataille, ce dernier nullement motivé par la violence mais souhaitant au contraire savoir pourquoi son destin était lié à tant d'excès. Désemparée, la mère lui avoua les origines de sa conception ce qui eut pour effet de non pas exciter sa hargne mais au contraire la faire fondre. Robert le Diable n'eut alors qu'un but: se repentir. Hélas, sa pénitence favorisa son esprit torturé car il trouva sur son chemin une place de Fou de l'Empereur de Rome, convaincu que pour racheter son âme, il devait s'adonner à des bouffonneries afin de divertir le peuple et son maitre, dormir sur de la paille et manger la portion des chiens.



La légende prend fin au château même où elle a vu le jour: il est dit que sous l'aspect d'un loup efflanqué se traine la nuit l'ombre de Robert le Diable au milieu des murailles abattues, la voix caverneuse et torturée suppliant que l'on allège son âme de ses tourments. Ceci n'est pas sans rappeler la définition que l'on attribue aux lubins, qui sont des êtres du folklore normand se déguisant en loups et qui rôdent le soir près des lieux maudits. Leur chef prévient tout bruit suspect et comme ils sont très peureux, ils crient alors "Robert est mort ! Robert est mort !" et s'enfuient dans la nuit.



L'intérieur du château est fermé au public, résultat d'un incendie ayant détruit le plancher - à l'occasion de certains évènements comme des médiévales, il est toutefois possible d'entrer dans l'enceinte intérieure. Les abords sont cependant ouverts et accessibles aux chiens attachés, l'entrée est libre.



 

Bibliographie : Légendes de Normandie par Amélie Bosquet




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